Interview “Activité physique adaptée : « La ville a un rôle central à jouer » de Claire Perrin, parue le 21 juillet 2022 dans La Gazette des communes

Activité physique adaptée : « La ville a un rôle central à jouer

Publié le 21/07/2022 • Par Florence Roux • dans : A la Une acteurs du sport, Actu expert acteurs du sportActu expert santé socialFrance

Claire Perrin

Enseignante-chercheuse à l’Université Claude Bernard Lyon 1, sociologue et professeure au laboratoire sur les vulnérabilités et l’innovation dans le sport (L-ViS), Claire Perrin mène des recherches sur l’activité physique adaptée. Les collectivités ont un rôle de coordination essentiel entre de nombreux acteurs pour développer l’activité physique adaptée et le sport santé. Elle explique pourquoi.

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Depuis quand parle-t-on d’activité physique adaptée (Apa) ?

Le concept a émergé au Québec dans les années 1970, non sans lien avec les mouvements des droits civiques, revendiquant entre autre l’accès au sport et à l’éducation physique pour les personnes malades et/ou en situation de handicap(1). Très tôt l’Apa a gagné d’autres pays(2).

Dès 1982, en France sont apparues les premières formations préparant des enseignants en Apa, titulaires d’une licence STAPS mention « Apa», puis des chefs de projet titulaires d’un master (à partir de 2004). Il y a eu une montée en compétences dans un contexte d’évolution des pratiques inclusives, jusqu’à la loi sur le handicap de 2005.
L’Apa est devenue Activité physique adaptée et santé en 2007, correspondant à un cursus universitaire pluridisciplinaire approfondi associant-physiopathologie, physiologie de l’exercice, psychopathologie, psychologie, sociologie… et permettant d’évaluer les capacités, besoins et désirs des personnes pour soutenir le déploiement de leur projet. Ce cursus se distingue des formations courtes des éducateurs sportifs davantage centrées sur le sport et les techniques.

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La notion de sport santé était-elle déjà présente ?

Au début des années 2000, des politiques publiques de santé ont associé l’activité physique à la prévention et à la promotion de la santé, dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS). Mais dès la fin des années 1990, des réseaux de santé associatifs de prise en charge de maladie chronique, comme le diabète, avaient déjà intégré des enseignants en Apa dans les cellules de coordination et articulaient l’Apa à l’éducation thérapeutique.

Dans le mouvement sportif, des acteurs initient des actions de Sport-santé, comme le « Coach Athlé Santé » de la fédération d’athlétisme, en 2006, le dispositif Natation santé ou encore, par exemple, la charte Sport Santé de la fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire (FFEPGV).

En 2012, le plan Sport santé bien-être officialise l’inscription de la santé dans les politiques sportives… Puis l’article 144 de la loi de modernisation de la santé introduit en 2016 la prescription d’une activité physique dans le parcours de soins des malades en affection de longue durée (ALD). Enfin, la stratégie nationale sport santé (2019-2024) coordonne les différents niveaux de prévention par l’Apa et le sport santé.

Où en sont les collectivités territoriales ?

En 2012, Strasbourg a lancé le Sport sur ordonnance, suivie par Blagnac, Biarritz ou Château-Thierry… qui mettent en lien médecins-patients et éducateurs sportifs territoriaux et associatifs. Certaines villes, comme Villeurbanne, font le choix d’intégrer des compétences en activité physique adaptée au sein d’un projet global de promotion de la santé sur le modèle de la Charte d’Ottawa (1986). Son dispositif “En forme” se décline selon les publics, enfants, seniors, patients ou jeunes, à l’école, dans les quartiers ou au travail, à partir d’une collaboration étroite en interne entre les différents services de la ville et les élus, et en externe avec les médecins généralistes, les infirmières Asalée et les associations …

Quel rôle peuvent jouer les collectivités ?

Il peut être central, avec deux grands enjeux pour que la ville développe le sport santé et l’activité physique adaptée.
D’abord, la ville a un grand rôle à jouer de mise en lien de divers acteurs pour mener des interventions pertinentes, globales, auprès des publics les plus fragiles. Cela passe autant par des projets d’envergure que par des petites actions très concrètes comme, par exemple, de sensibiliser les personnes âgées isolées à l’activité physique lorsqu’on leur apporte les plateaux repas (initiative de Villeurbanne).

Par ailleurs, la ville a un rôle capital à jouer avec ses éducateurs sportifs territoriaux, notamment en enrichissant les équipes des compétences en Apa développées depuis près de 50 ans dans les UFR STAPS, en prenant appui sur un champ de recherche pluridisciplinaire spécifique.

Les diplômés de master, en particulier, ont suivi des formations longues, pointues, qui les préparent à réaliser des diagnostics à l’échelle d’un service ou d’un territoire, et à développer des projets globaux. Ils peuvent à la fois intervenir auprès des plus fragiles et co-construire des dispositifs, pour faire travailler ensemble le monde de la santé et le monde du sport dans une politique de prévention. Mais il faudrait trouver un moyen de faire évoluer les grilles indiciaires. Car pour l’instant, dans la fonction publique territoriale, les compétences en Apa ne sont encore pas valorisées, excepté dans des emplois circonstanciés de chargé de projet. Le processus d’innovation engagé par les villes gagnerait à se traduire dans les outils de la filière territoriale sportive.

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Références

  • Son dernier ouvrage : Perrin C., Perrier C., Issanchou D. (dir) (2022), Bouger pour la santé ! Analyses sociologiques d’une injonction contemporaine, PUG UGA, collection « Sport, culture et société »