Lisa Lefèvre

– Professeure associée HEP Vaud, unité d’enseignement et de recherche en enseignement spécialisé. Chercheuse au sein de l’unité de recherche « Sport et sciences sociales » (F3S, UR 1342), membre du lasalé et de Parafé (centre participatif de recherche avec les familles en éducation).
– Membre de l’institut RecAPPS
–Thématiques de recherche : obésités adolescentes, expériences corporelles, engagement, bien-être corporel, environnement capacitant.

Orientations de recherches.
Mes travaux s’inscrivent à la croisée de la sociologie de l’engagement et de l’anthropologie du corps en éducation et en matière de santé. Je cherche à documenter les expériences corporelles des élèves, des personnes dans des environnements scolaires ou au sein de dispositifs de santé publique. Mon intérêt se porte tout particulièrement sur la façon dont ils s’engagent dans les dispositifs, en font usage et parlent de ces expériences. Ma focale se situe dans un grain fin dans la mise en évidence du corps dans sa relation à soi, aux autres ou à l’environnement à partir d’appuis issus de l’anthropologie existentiale. 
Ma thèse s’intitulait « Les expériences corporelles d’adolescents obèses en cours d’éducation physique et sportive: entre subir et agir les contraintes normatives (2019) » sous la direction de Christelle Marsault et Gilles Vieille Marchiset. J’ai mené plusieurs enquêtes ethnographiques dans des collèges et des lycées de l’Académie de Strasbourg, en cherchant à rendre visible par des études de cas, comment les adolescents obèses vivaient l’enseignement de l’EPS. 

Mes contributions se situent à trois niveaux : 

  • Derrière les normes véhiculées par les dispositifs scolaires ou éducatifs se dresse la question des enjeux perçus et reconstruits par l’individu. Pour les adolescents obèses, un des enjeux essentiels en EPS est la préservation de soi. Mes résultats mettent en évidence des dégagements spatio-relationnels, du ressenti et temporels et surtout l’ingéniosité des adolescents qui sont loin d’être désengagés. Ainsi l’usage, la mixité et l’oscillation d’appuis (corporels, spatiaux, temporels, relationnels ou matériels) permettent à l’individu de répondre à différentes normes scolaires corporelles ou genrées. Ces normes ne correspondent pas aux seules attentes normatives prévues par le dispositif.
  • Au niveau méthodologique, j’ai procédé à une reconstruction des données à « la troisième personne » à partir des données ethnographiques, de vidéos et d’entretiens des enseignants d’EPS, des parents, des infirmières scolaires et des élèves en surpoids et obèses. Cette méthodologie holistique vise à rendre visible par un grain infra corporel comment l’élève agit : ce qu’il fait, comment il le réalise, où, avec qui. Les indicateurs provenaient de cadres tels qu’Erving Goffman, Hubert Godard, Muriel Darmon ou Edward Hall. Cette méthodologie provoque au final à une conversion du regard du chercheur.
  • Enfin, en documentant le corps des adolescents et partageant leurs discours, leurs façons d’être au monde a pu être entendue et partagée. Cette préoccupation a été un fil rouge dans ma recherche : trouver des espaces, des mots, pour rendre visible des expériences parfois insoutenables. Je pense à Liam (15 ans), « tu sais, je sais que c’est pour mon bien (de pratiquer en EPS), mais, tu sais l’hormone en EPS que tu es sensé l’avoir quand tu pratiques, elle ne doit pas être pour moi ».

Depuis ma nomination à la HEP Vaud au de l’UER de pédagogie spécialisée, mes recherches s’orientent autour de trois axes : 

  • Le bien-être corporel des élèves en EPS en France, à l’école en Suisse,  
  • Les recherches collaboratives autour des pratiques inclusives comme la conception universelle de l’apprentissage
  • La présence corporelle des enseignants et des formateurs

Trois projets collaboratifs

2022-2025
RESPIRE: Reconnecting with Experience and Sensitive for instructional Practices fostering Inclusivity, Resilience and Equity. (RRR : FNS et ANR).
Ce projet s’intéresse à la question de la résilience de l’enseignement universitaire après le choc de l’isolement physique et mental dans lequel formateurs et apprenants ont été plongés lors de la pandémie COVID-19. Ce projet est porté par Fabienne Venant (Uqam), Antoine Delcroix (INSPE Guadeloupe) et Sabine Chatelain (HEP). Nous défendons l’idée que la résilience des environnements universitaires, et de la société, dépend d’un nouvel équilibre entre l’utilisation inévitable des outils numériques et la place de l’expérience sensible et de la corporéité (embodiment). Nous cherchons à participer à la restauration de la synergie entre le cognitif et le sensible pour accompagner les formateurs à faire face aux nouvelles situations. Je suis chercheuse au sein de l’équipe suisse. 

2021-2022
Activité physique adaptée et grand âge en Alsace : Quels impacts sur le bien être en EHPAD ?
Le programme de recherche financé par la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) dans le cadre de la MAIA est coordonné par Nicolas Durrheimer et Gilles Vieille Marchiset. Il vise à explorer les évolutions de ces différentes composantes du bien-être, suite à la mise en place d’activités physiques adaptées régulières autour de l’organisation des Olympiades dans les EHPAD d’Alsace. Au sein de l’équipe de recherche, nous cherchons à documenter le bien-être corporel lors des séances d’APA et comprendre si la pratique d’activités physiques favorise le maintien, voire le développement, des interactions au quotidien, et a des effets sur l’intégration dans un collectif en cultivant un rapport au corps pour soi propice aux liens avec autrui (et vice-versa).

2020-2021
Développer les pouvoirs d’agir et la littératie physique en prenant appui sur les trajectoires biographiques : quels effets du dispositif Sport Santé à Mulhouse ? 
Le programme de recherche financé par l’Agence régionale de santé Grand Est était coordonné par Sandrine Knobé et Gilles Vieille Marchiset Unité de recherche Sport et sciences sociales (E3S; UR1342) de l’Université de Strasbourg. Cette recherche collaborative impliquant les bénéficiaires, les intervenants, les coordinateurs et les chercheurs (croisements de regards entre la sociologie, l’histoire et la psychologie) avait pour objectif d’analyser le dispositif Mulhouse Sport Santé par le prisme des logiques des acteurs. À l’échelle des trajectoires de vie dans un territoire singulier, l’étude a mis en lien les dynamiques macroscopiques (rôle des politiques publiques, évolutions socioculturelles), mais aussi microscopiques (dispositif local, histoire de vie, littératie physique). Ma contribution s’est située dans l’analyse des logiques d’engagement des bénéficiaires.

À travers ces projets, mes intérêts s’orientent vers les recherches collaboratives avec les personnes et non sur elles. Dans une perceptive systémique, l’identification des contraintes et des ressources, des appuis des personnes pour favoriser leur pouvoir d’agir se révèlent être un de mes fondements épistémologiques et méthodologiques. 

Principales publications.
Lefèvre, L., & Marsault, C. (2022). Le rôle des objets comme appuis pour penser une situation capacitante. Recherches & éducations, (HS).
Lefèvre, L. et Marsault, C. (2021). Les dégagements silencieux des adolescents obèses à l’épreuve des normes corporelles en Éducation physique. SociologieS.
Lefèvre, L et Marsault, C. (2018). Le besoin éducatif particulier, un moment d’exception pédagogique : regards croisés des enseignants du premier et du second degré. La nouvelle revue-Éducation et société inclusive (1), 173-183.
Lefèvre, L., Marsault, C., & Vieille-Marchiset, G. (2018). La richesse de l’expérience corporelle de l’adolescent obèse en EPS. Science & Sports33, S15-S16